L’aventure Tolkien continue à Aubusson : deux tapisseries supplémentaires s’ajoutent à la collection.
L’année 2021 devait marquer la fin du projet « Aubusson tisse Tolkien », officiellement lancé en 2017 à la Cité de la Tapisserie (Creuse). L’ajout par la famille Tolkien de deux œuvres originales de l’écrivain en 2020 repousse la fin des tissages et la présentation de l’ensemble de la tenture au public.
Pour rappel, à la fin de l’année 2016, la Cité de la Tapisserie à Aubusson signe une Convention avec le Tolkien Estate pour la réalisation en quatre ans de quatorze œuvres tissées à partir d’illustrations réalisées par J.R.R. Tolkien. Fer de lance du renouveau du tissage depuis son inauguration en 2016 par François Hollande, la Cité de la Tapisserie désire alors renouer avec les grandes tentures narratives, tradition ancienne et chère à Aubusson. Au 17ème et 18ème siècle, on y trouve en effet des tapisseries représentant L’Odyssée d’Homère ou la Jérusalem délivrée de Toquato Tasso. Le choix de Tolkien est judicieux, et correspond au désir des héritiers de mettre en valeur le talent pictural de l’écrivain, moins connu du public. Les différentes expositions organisées par la suite, à la BnF comme à Thoronet en 2019 par -exemple, révèlent une volonté forte de réunir les cultures et de convoquer les patrimoines, de Paris à Oxford, des Beaux-Arts à la littérature.
Parmi les quatorze aquarelles données à Aubusson au début du projet, treize sont retenues pour la grande tenture finale, la dernière devant servir à la confection d’un tapis, comme notre article le montrait déjà en 2018 :
Coup de théâtre en 2020 lorsque la famille Tolkien décide d’annexer à la collection deux créations supplémentaires de l’écrivain. Au début de l’année 2021, le Syndicat mixte de la Cité de la tapisserie entérine donc l’accord du Tolkien Estate qui cède les droits de tissage de ces dernières. Les lissiers de la Cité d’Aubusson s’attelleront donc à deux nouvelles créations en 2022-2023.
« The Garden’s of the Merking’s palace »
« Beleg finds findling in taur-nu-Fuin »
Comme les illustrations de Noël déjà tissées (Christmas 1926, 1928 et 1933), « The Garden’s of the Merking’s palace » renvoie au quotidien de la famille Tolkien, et au récit des aventures du chien Rover au palais de Merking, imaginé par l’auteur pour consoler son fils Michael de la mort de son chien. La deuxième aquarelle relate un épisode extrait du Silmarillion (Quenta Silmarillion, chapitre 18, 1927), que l’on retrouve aussi dans Les Enfants de Hurin (œuvre publiée à titre posthume, en 2007).
On se souvient avec émotion de la première tombée de métier, le 6 avril 2018, « Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves » (d’après une aquarelle originale de J.R.R. Tolkien pour The Hobbit, 1937). Pour mémoire nous vous renvoyons à notre article : Ce jour-là comme tous ceux qui ont suivi, Baillie Tolkien, l’épouse de Christopher Tolkien, s’est montrée particulièrement attentive à la réalisation de la tenture. Elle assiste d’ailleurs régulièrement aux tombées de métier.
Baillie Tolkien à la Cité de la Tapisserie d’Aubusson le 6 avril 2018
A ce jour, douze œuvres sur seize ont été tissées. Les œuvres concernées par le projet sont regroupées en quatre catégories, selon leur origine :Les Lettres du Père Noël, Le Silmarillion, Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux.
Les lettres et les dessins du Père Noël ont été publiés pour la première fois en 1976 par Baillie et Christopher Tolkien chez George Allen & Unwin. Ils témoignent d’une tradition familiale qui a duré plus de vingt ans. Chaque Noël en effet, depuis 1920, les enfants Tolkien recevaient une lettre signée du Père Noël lui-même, racontant et illustrant son quotidien avec l’ours polaire Karhu, son premier assistant. J.R.R. Tolkien avait le souci du détail, allant jusqu’à peindre lui-même le timbre sur l’enveloppe, représentant le pôle Nord. Trois dessins, réalisés en 1926, 1928 et 1933 ont été sélectionnés par la famille.
« Christmas 1926 »
« Christmas 1928 »
« Christmas 1933 »
Le Silmarillion, ouvrage commencé dans les années 1910 et publié à titre posthume en 1977 par Christopher Tolkien retrace les premiers Âges de l’univers de la Terre du Milieu, cadre de tous les romans de l’écrivain. Outre « Beleg finds findling in taur-nu-Fuin », dont il vient d’être question, les illustrations choisies par la famille dans le cadre du projet sont les suivantes : « Halls of Manwë, Taniquetil », « Glórund sets forth to seek Túrin », « Mithrim », et « Numenorean Carpet ». On peut aisément les qualifier d’œuvres de la genèse, ou récits iconographiques des premiers âges de la Terre du Milieu.
« Halls of Manwë, Taniquetil »
« Glorund sets force to seek Turin »
« Numenorean carpet »
« Mithrim »
Restent les deux œuvres magistrales de Bilbo le Hobbit et du Seigneur des Anneaux. A ce jour, quatre aquarelles inspirées du Hobbit ont déjà été tissées à Aubusson. Nous avons évoqué la première tombée de métier avec « Bilbo comes to the Hut of the Raft-Elves », le 6 avril 2018. Mais le dévoilement de trois autres réalisations n’a pas été sans émouvoir la famille Tolkien, et spécialement Baillie, la belle-fille de l’écrivain. « Rivendell », « The Trolls » et « Bilbo woke up with the early sun un his eyes » font désormais partie du patrimoine de la tapisserie. « Conversation with Smaug » est encore en projet à la Cité d’Aubusson. Pour rappel, les aquarelles ont été réalisées en même temps que la publication du roman chez George Allen § Unwin, en 1937.
« Rivendell »
« The Trolls »
« Bilbo woke up with the early sun in his eyes »
« Conversation with Smaug »
Pour finir, trois illustrations du Seigneur des Anneaux (1954) ont retenu l’attention des acteurs de notre projet. Quoi de plus beau en effet que de tisser en très grand format « The Forest of Lothlórien in Spring » (La Communauté de l’Anneau, livre II, chapitre 6), aux couleurs pures (comme depuis toujours dans le procédé original de tissage) mais aux nuances chatoyantes ? Orthanc, la tour de Saroumane le Blanc en Isengard (Les Deux Tours, livre II, chapitre 8) promet elle aussi un effet incontestable à son achèvement.
« The Forest of Lothlorien in Spring »
« Orthanc »
« Moria Gate », la dernière tombée de métier le 21 octobre dernier est donc la première illustration du projet inspirée du Seigneur des Anneaux. La tapisserie représente l’entrée vers la Moria, cité souterraine entièrement imaginée par Tolkien.
Ce long travail de patience entièrement réalisé à la main a exigé mille heures de travail et a donné naissance à une toile de 8 m². Comme pour les autres œuvres déjà tissées, notamment les illustrations panoramiques (« Bilbo comes to the Huts of the Raft-elves », « Rivendell ») les lissières sont restées le plus fidèle possible aux aquarelles de l’écrivain et au savoir-faire ancestral de la Cité de la Tapisserie à Aubusson (battages, rayures, couleurs pures tranchées, aucun mélange).
Le dévoilement de la tapisserie a suscité une nouvelle fois l’admiration du public, et notamment celle de Baillie Tolkien, plus que jamais fidèle à l’événement : « Je pense que c’est une réalisation tout-à-fait réussie, c’est un tableau compliqué qui a beaucoup d’histoires à raconter et il y a des éléments merveilleusement exécutés », confiait-elle à France Info en découvrant la tapisserie (article du site web, en date du 24/11/2021).
>>> Vidéo de la dernière tombée de métier : ICI